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TUMBLEWEED

"Les photos que l'on trouve sont souvent meilleures que celles que l'on allait chercher." 

- Nicolas Bouvier    

Au départ, il y avait le désir de traverser les États-Unis de New York à San Francisco avec Quentin Chevalier comme inséparable compagnon de bourlingue. Nous voulions, ensemble, créer une revue sur la route avec les personnes rencontrées. Fabriquer de bout en bout un objet incongru, libre, dérogeant aux convenances de la presse et de l'édition. Nous savions ce que nous ne voulions pas et nous étions bien décidés à faire autrement. Cette volonté commune de création et de réflexion sur le monde, nous a guidé dans nos choix. C'est devenu une nécessité, il nous fallait prendre à bras le corps cette idée de transformer une errance en récits, et de là en tirer le portrait improvisé et subjectif de cette Amérique pleine de vies.

Ce serait "Tumbleweed", du nom de ces boules de mauvaises herbes que l'on retrouve parfois dans le désert et si souvent dans les westerns.

Du Midwest à la Nouvelle Orléans, du Texas à la Californie, nous nous sommes jetés sur la route au gré des multiples rencontres. Toujours en dormant chez l'habitant. C'était là un élément essentiel. Nous n'étions pas partis écrire des histoires sur nous-mêmes, pas plus que nous ne voulions être les seuls à les raconter. Si l'expérience de ce voyage constituait la principale inspiration et le carburateur auquel nous nous abreuvions, notre regard lui était toujours tourné vers l'extérieur, les gens, les paysages mis là sous nos yeux.

Nous avions plusieurs maîtres. Il y avait tout ce que l’on appelle le Nouveau journalisme américain : les plumes les plus célèbres depuis les années soixante-dix étaient Hunter S. Thompson, Gay Talese et Tom Wolfe. Ils avaient dynamité la manière de faire du reportage, jouant à fond sur l’expérimentation vécue et la subjectivité. Un auteur comme Tom Wolfe était convaincu que "si vous restiez un mois dans n’importe quel coin des États-Unis, vous reveniez avec une histoire excellente".. Il y avait aussi la grande tradition du journalisme au long court, nous étions mordus du travail de Florence Aubenas ou Emmanuel Carrère, des publications comme Actuel, XXI, Feuilleton, les récits des écrivains-reporters à la Jack London. Et puis évidemment, il y avait Jack Kerouac. 

En chemin, la photographie s'est imposée comme une autre manière de raconter. La démarche était plus intuitive, décousue et elle amenait comme pour l'écriture à affirmer la subjectivité de nos points de vue. Et parce que tout est images aux States, aussi bien celles qu'on a en tête, que cette infinité de représentations possibles, cette diversité que le pays produit, partout, depuis toujours. Fatalement, on a éprouvé le besoin de mettre en miroir nos images avec les textes et les récits récoltés, dans un tout parfois flou qui laisse percevoir autant de reflets de la vie en Amérique, que la cartographie d'un photographe à la sauvette qui shoote à-tout-va comme il respire. 

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